« Esprit d’équipe »… Ne se serait-il agi que d’une invocation tout juste bonne à m’attirer quelques quolibets ?… Pour sa part, mon père, Sylvain Cuny, ne doutait pas de me voir capable de dynamiser certains esprits d’abord plutôt rassis… Il suffisait de déterminer une tâche utile à la cause, d’en fixer précisément les moyens, et il savait, pour m’avoir vu dans diverses circonstances au milieu de mes camarades de jeu, que je trouverais très vite le langage adéquat, en ménageant les susceptibilités et en rendant chacun à ses domaines de prédilection…

Dans la circonstance, impossible de faire quoi que ce soit sans disposer d’un minimum d’argent, ne fût-ce que pour engager les premiers travaux de secrétariat : papier, tampon du club, démarches administratives… Que des babioles, mais il y aurait pire, comme on va très vite s’en apercevoir.

Aussitôt, Sylvain Cuny a mis au point une solution qui allait agir dans des directions diverses, et plus particulièrement dans celle de l’« esprit d’équipe ». L’équipe, il y en avait une : l’ensemble de ceux qui avaient obtenu l’accord de leurs parents… Pour le football, on pourrait toujours voir plus tard…

Mais puisque les adultes restaient en arrière de toutes les responsabilités, il allait revenir à l’équipe des petits gars de 16, 15 et 14 ans de partir en première ligne… autour de Michel Cuny, agissant par délégation de son père Sylvain.

L’association loi 1901 en question serait, un jour prochain, emblématique du village de Saulcy-sur-Meurthe… Une fois installé, le club deviendrait lui-même la chose de plusieurs générations de jeunes gens qui se succéderaient pour porter, aussi haut que possible dans la hiérarchie des séries et autres divisions, le fanion du F.C.S., dont je venais de fixer les initiales en m’inspirant de celles du F.C. Nantes.

Ici, je n’insisterai pas sur mon émoi quand j’ai pu commencer à utiliser le tampon encreur qui allait désormais authentifier cette « personne morale » en quoi consisterait notre association sportive.

Et c’est avec ce tampon encreur que nous avons offert une garantie, « morale » donc, aux bristols de couleur jaune, rassemblés en blocs, et offrant une partie détachable, que nous sommes partis diffuser auprès des salixiens et des salixiennes du bas du village, la zone où se trouvaient rassemblés l’essentiel de mes vrais petits camarades. Il y avait trois tarifs et donc trois niveaux d’engagement que je présente dans l’ordre croissant : membre actif, membre honoraire, membre bienfaiteur…

Ce ne sont pas nécessairement les personnes les plus impliquées dans le football, à travers leur vie personnelle ou selon une passion très largement manifestée en public, qui nous ont réservé le meilleur accueil. Il en est même une – l’un des personnages les plus importants du village en matière de football – qui nous a demandé de ne revenir à sa porte que lorsque le club existerait réellement et de façon physiquement perceptible… bien certain, de ne plus jamais nous revoir… Ce qui ne l’a pas empêché, quelques mois plus tard, de prendre, dans le club même, des fonctions très importantes… Pourquoi donc lui en aurions-nous voulu ? Il nous fournissait une démonstration retentissante de notre victoire !

Nous avions donc un budget… Que nous reverserions quelques mois plus tard – et non sans que mon père ait bien vivement souligné le fait qu’il était en excédent (si les documents de l’époque ont été conservés, il est certain que la somme précise y figure).

Une fois fauché, le terrain nous avait révélé ses vrais caractéristiques : c’était un peu comme si le ciel nous était tombé sur la tête. Comment imaginer qu’il ait pu être utilisé, dix ou vingt ans plus tôt, pour venir y courir derrière un ballon ? En certains endroits, il était parsemé de véritables blocs de pierre qui avaient dû affleurer à la suite des différentes inondations. Le cauchemar était que le processus se poursuivît, que de gros cailloux ne finissent par estropier tel ou tel d’entre nous. De fait, cela aura duré quelques années… Je nous revois jetant au loin ces objets qui nous faisaient si peur.

Pour l’homologation du terrain, nous étions donc très mal partis. Mais il y avait bien pire… La surface était loin d’être plane, ou même de s’en approcher… et surtout dans les quatre coins… De plus, au-delà de la question des poteaux de but et de leur installation – qui déjà nous taraudait l’esprit avec leurs 7,32 m de longueur et 2,44 m de hauteur intérieures -, il y avait celle de la main courante… qui, dans un premier temps, allait devoir « courir » tout au long de la longueur du stade, en attendant de s’étendre sur les petits côtés, et puis sur la longueur d’en face…

La bonne adresse ?… Mais Sylvain Cuny, voyons !…

Michel J. Cuny

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