Tous les discours prononcés à l’occasion de l’anniversaire du 8 mai 1945 par mon père, Sylvain Cuny, l’ont été devant le monument aux morts de la place René Fonck à Saulcy-sur-Meurthe. Aucun de ces textes n’a jamais fait allusion à l’as des as… De même n’ai-je jamais entendu ma grand-mère maternelle, Sidonie Colnat (née Noël), amie d’Émilienne Fonck, évoquer la personne du frère de celle-ci : René Fonck (photographie jointe)

Pour ma part, je n’ai jamais eu en tête le nom de ce personnage tout au long des années où, enfant, je me suis intéressé à l’aviation en évoquant parfois ce rêve lointain de devenir un jour pilote de chasse. En aura-t-il été de même pour mon aîné de quatre ans (il était né à Mandray le 21 décembre 1946), Robert Jacquel, qui devait, lui, se donner la mort aux commandes de son Jaguar au Tchad le 8 août 1978 ?…

Ainsi, le René Fonck en question, ne l’aurai-je retrouvé qu’en découvrant qui était réellement… Charles de Gaulle, c’est-à-dire à compter du moment où Françoise Petitdemange et moi avons choisi de nous pencher sur le détail des années 1930, sur la politique française de ce temps-là, sur ce qui aura conditionné la débâcle de 1940, et sur tout ce cinéma qui s’en est suivi  pour tromper, de façon magistrale, un bon peuple qui ne demandait guère que cela : qu’on le joue comme un enfant qui croit encore au Père Noël… Cette fois-ci, il paraît que celui-là vivait à Londres… tandis, sans doute, qu’il envoyait Jean Moulin descendre en parachute dans les cheminées du beau pays de France… A moins qu’il fût Dieu projetant son fils, Jésus, dans le bas monde…

Une chose paraît sûre : les deux gamins en sont effectivement morts… Pour l’un : « Mon père, pourquoi m’as-tu abandonné ? » Pour l’autre : « Mon père, pourquoi m’as-tu donné ? »  

Or, il s’avère que Jean Moulin n’était pas du tout ce qui se raconte… Mais je n’y reviendrai pas ici… Celles et ceux qui lisent nos ouvrages ont déjà pu s’en convaincre. (N.B. Le livre de M. J. Cuny et F. Petitdemange, Fallait-il laisser mourir Jean Moulin ? est accessible ici.)

Alors René Fonck

Pour commencer, comparons-le rien qu’un peu à Charles de Gaulle, justement.

Celui-ci était né en 1890… Il était parti pour une carrière militaire quand, justement, la Première Guerre mondiale commence… Au sortir, longtemps prisonnier des Allemands, il n’est toujours que capitaine… Ce qui le place au rang de l’un de ses frères, tout autant capitaine que lui, alors qu’avant guerre il n’était qu’un simple civil qui n’avait jamais envisagé de devoir faire la guerre… Comme le montre une lettre à sa mère, Charles de Gaulle, humilié, s’apprête alors à quitter l’armée…

Cadet de quatre années de ce pauvre De Gaulle (il est né en 1894), le colonel René Fonck est, au moment même, une gloire de réputation mondiale…

Continuons un peu… En 1934, Charles de Gaulle publie Vers l’armée de métier. Dans cet ouvrage, il a complètement oublié l’aviation qui, pour lui, ne représente à peu près rien… Rétrospectivement, la chose paraîtra suffisamment grotesque pour que, dès après l’appel du 18 juin 1940, une version truquée soit mise en circulation : l’aviation y est alors bel et bien, mais ce n’est donc qu’un collage tardif…

Que se sera-t-il passé autour de la première version (1934) de Vers l’armée de métier, et de ce qui faisait figure de cour gravitant autour de la personne du maréchal Pétain ? Pour en prendre connaissance, il faut avoir la curiosité de consulter les débats parlementaires de ce temps-là, et tout spécialement le discours prononcé par Léon Blum devant la Chambre des députés le 15 mars 1935. Un an plus tôt, les ligues d’extrême droite avaient tenté d’investir cette même Chambre… Tout le monde sait maintenant le rôle alors joué par Pierre Cot, ministre de l’Air, et par son chef de cabinet Jean Moulin pour sauver la République… Je n’y reviens pas. Et j’en arrive à Léon Blum :
« Au moment où la France commence à se dégager du danger fasciste, on a voulu lui imposer la direction militariste. Car, c’est cela, très exactement, le militarisme. C’est sa définition même. Le militarisme est une action indépendante du commandement militaire agissant en tant que corps distinct, s’efforçant d’agir directement sur l’opinion, sur la presse, sur le Parlement et essayant d’imposer ses vues à la politique gouvernementale elle-même. »

Et encore ce petit morceau repris, comme le précédent, dans le discours que Léon Blum prononce à la Chambre des députés, toujours le 15 mars 1935 :
« Oui, sous l’influence de quelques esprits ingénieux, hardis, brillants, attirés par l’exemple de la Reichswehr allemande, on commence dans les cercles de la haute armée, dans les journaux publiquement inféodés à l’état-major, comme l’Écho de Paris, tout le monde le sait, et dans l’opinion elle-même, à lancer cette idée de l’armée de métier, pour la constitution de laquelle on réserve très probablement ces engagements et rengagements en faveur desquels on a montré jusqu’ici si peu de zèle, l’armée « de choc et de vitesse », comme dit, je crois, M. de Gaulle, toujours prête pour les expéditions offensives et pour les coups de main, l’armée motorisée et blindée qui, si nous l’adoptions, rouvrirait simplement entre le blindage et le canon d’infanterie un duel analogue à celui auquel nous avons assisté entre la cuirasse et le canon d’artillerie. » 

Et René Fonck, alors, et l’aviation donc ?… Ne perdons pas de vue le ministre de l’Air, Pierre Cot, ni son directeur de cabinet, Jean Moulin

Michel J. Cuny

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Jean Moulin, l’homme que les Françaises et les Français trahissent chaque jour davantage…