Pour rendre bien compréhensible la suite de ce que je vais avoir à dire à propos de la création d’un club de football dans mon village quand j’avais seize ans (1966), il convient d’indiquer l’identité que je pensais avoir, à ce moment-là, au milieu de mes petits camarades.

En effet, au-delà, c’est toute ma trajectoire de vie qui s’est trouvée imprégnée de ce début très significatif dans tous ses aspects, et qui, par ses prolongements incessants, nous aura bien plus tard conduit(e), Françoise Petitdemange et moi, sur les routes de France et de Navarre pour y rencontrer le peuple français dans son entier… si possible, et déterminer sa situation réelle au long de l’époque considérée, et au regard d’un passé que nous avons eu à faire remonter jusqu’à la fin du moyen-âge… C’est précisément ce qui aura fait l’objet du livre que nous avons publié en 1986 : Le Feu sous la cendre – Enquête sur les silences obtenus par l’enseignement et la psychiatrie (accessible ici).

J’ai déjà évoqué le temps des colonies de vacances pour les enfants de l’empire Boussac, et ce château de Port-Breton, à Dinard, dont nous ne cessions de nous épater. C’est dans une grande chambre occupée par une vingtaine de lits de camp, et située directement sous les toits de ce bâtiment plus que conséquent que j’ai reçu une sorte de feuille de route que mon père, Sylvain Cuny, m’adressait sans peut-être deviner à quel point elle allait se placer au coeur de tout ce qu’il pouvait y avoir de détermination en moi.

Notons que cette missive avait parcouru la France dans toute sa largeur pour venir jusqu’à moi, et qu’à l’ordinaire, c’était plutôt ma mère, Irène, qui entretenait la correspondance familiale avec moi. Ainsi ne pouvais-je pas douter une seule seconde de l’importance de l’événement.

Postée à Saulcy-sur-Meurthe le 15 juillet 1961 – j’avais dix ans et demi -, la lettre de mon père comportait les passages suivants :
« … les circonstances me donnent une mission toute particulière à destination du futur lycéen que tu es désormais. Hier 14 juillet, après la cérémonie qui avait lieu sur la place Fonck, nous nous sommes rendus à la salle des Fêtes où avait lieu la remise des prix. Le discours a été prononcé par monsieur Coulombel, natif de notre village, et maintenant professeur à la Faculté de droit de Nancy… »
« … pour ceux qui, comme toi, entrent en sixième, il a justement conseillé de rester simples et de ne jamais se laisser griser par le succès au dernier examen, et surtout de ne pas mépriser ceux qui n’ont pas eu la chance de pouvoir continuer leurs études, soit parce qu’ils sont moins doués, soit par manque d’argent... »
« …on ne reconnaît la valeur d’une personne très intelligente et très instruite que par sa grande modestie et le goût qu’elle a de servir par ses talents ceux qu’elle approche... »
« Mon cher petit Michel, puisque ton travail de cette dernière année t’a valu d’être le premier appelé parmi les élèves entrant en sixième, j’ai imaginé avec fierté que ce discours s’adressait tout particulièrement à toi, et je voudrais que tu y songes au milieu des jeux et des plaisirs de tes vacances en Bretagne. »

Ce n’est certes pas le lieu d’en écrire davantage sur l’ensemble de ces questions… A sa façon, ma vie y répond… Mais il est certain que l’intervention intempestive de la dénommée Danielle Francin en février 1977 pour faire disparaître La Chronique de Michel J. Cuny des Annonces des Hautes-Vosges ne saurait être le seul effet du hasard… Songeons seulement au petit encart publié dès le numéro du 25 avril 1976 sans que Françoise Petitdemange ou moi-même y fussions pour quelque chose… Il montre qu’à compter de ce jour au plus tard, Michel J. Cuny et ses parents apparaissaient comme parfaitement indissociables y compris quand on les observait depuis Fraize ou Plainfaing :
« Saulcy-sur-Meurthe – Nos lecteurs ont certainement parcouru le billet hebdomadaire paru dans « Les Annonces » sous la plume de Michel J. Cuny. Cette chronique est l’oeuvre d’un salixien puisque ses parents sont domiciliés rue du Soucheté. »

Effectivement, dix ans plus tôt (1967) il s’était produit, à Saulcy même et à partir de la rue du Soucheté, un premier résultat de la ligne définie dans la lettre désormais historique envoyée par un père à son fils le 15 juillet 1961.

Michel J. Cuny

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1966-1967 : Michel J. Cuny parmi une jeunesse par ailleurs complètement livrée à elle-même